Published on juillet 12th, 2023 | by Maureen Youngblood
0La clé de la Bastille à Mount Vernon, la demeure historique de George Washington
Lors d’une visite chez des amis qui s’étaient installés à Washington DC, nous voulions voir en priorité le Mount Vernon en Virginie. Ayant vécu quasiment toute ma vie sur la côte ouest des États-Unis, je ne connaissais de l’histoire coloniale américaine que ce que j’avais lu dans les livres d’histoire, vu au cinéma, ou encore ce que j’avais étudié à l’école. Voir de mes propres yeux le site historique fut une véritable source d’inspiration.
En visitant le domaine du Mount Vernon, l’ancienne propriété du premier président des États-Unis, Georges Washington, je fus surprise d’y trouver un lien avec la France, exposé dans le couloir central de la maison. Là, sous mes yeux, conservée sous verre, accrochée au mur de l’ancienne maison du président Georges Washington se trouvait la clé originale de la Bastille. J’étais à la fois fascinée et curieuse de savoir comment cet objet historique avait pu se retrouver dans le Mount Vernon en Virginie. Autre fait intéressant, la chambre à coucher Lafayette (désignée du Marquis de Lafayette), dans laquelle se trouvait exposé son portrait. Apparemment, il y avait un lien entre les deux, mais à ce moment je ne savais ni comment, ni pourquoi.
Georges Washington acquit le Mount Vernon en 1761 de son demi-frère, qui en avait hérité de son père, Augustine Washington. Durant ces 45 années passées au Mount Vernon Georges n’eut de cesse de construire et remodeler la propriété, la dotant de 21 pièces ; c’est cette même structure que l’on peut voir aujourd’hui. Georges Washington est le seul président des Etats-Unis qui n’a jamais vécu à la maison blanche, étant donné que sa construction ne fut pas achevée avant sa mort. Il passait son temps à Philadelphie, lieu où résidait le gouvernement avant de s’installer à Washington D.C., et chez lui au Mount Vernon.
Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, également connu sous le nom du Marquis de Lafayette, est né en 1757. Il faisait partie d’une des plus anciennes familles de France ; parmi ses ancêtres, certains avaient pris part aux croisades aux côtés de Jeanne d’Arc. Lorsque Gilbert avait deux ans, son père fut tué au combat durant la guerre de sept ans. A l’âge de onze ans, sa mère décède, il hérite alors d’une des plus grandes fortunes de France. Lafayette fut nommé « mousquetaire noir » après avoir obtenu un grade de capitaine de l’armée française en 1771 ; il n’avait que 14 ans. A l’âge de 16 ans il prit pour épouse une femme de grande fortune, elle aussi, et de haut rang, Marie de Noailles.
En 1775, lorsque le gouvernement dû réduire ses dépenses militaires, Lafayette perdit son aide financière. Plus tard, lors d’un dîner dans la ville de Metz, il rencontra le Duc de Gloucester, le frère du roi britannique Georges III. Lors de ce dîner, leur discussion portait sur les colons américains qui s’élevaient contre le pouvoir britannique. Les colons révolutionnaires étaient désireux de s’auto-gouverner, et ne souhaitaient plus être sous l’autorité britannique. Dans ses mémoires, Lafayette écrit : « Mon cœur était engagé et je ne pensais qu’à joindre mes couleurs à celles des révolutionnaires. » Il étudia toutes les caractéristiques de la révolution américaine et projeta de s’engager dans l’armée continentale qui avait été mise en place par les colons sous l’autorité de Georges Washington.
Envoyé en France afin d’y recruter des officiers, Silas Dean, représentant du congrès continental, offrit à Lafayette une aide financière, bien qu’il n’avait que 19 ans et aucune expérience de la guerre. Louis XVI ordonna à Lafayette de ne pas quitter la France, mais celui-ci lui désobéit et mit le cap vers le nouveau monde début 1777. A son arrivée à Philadelphie le membre du congrès James Lovell du Massachusetts, réalisant que Lafayette n’était pas juste une personne ordinaire mais voyant que celui-ci avait une grande fortune et des relations haut placées, recommanda la nomination de Lafayette en tant que Major Général de l’armée continentale. Avec talent, Lafayette servit dans l’armée continentale en tant que volontaire sans salaire ; deux conditions de son engagement. Cette armée n’avait pas le luxe de bénéficier de fonds importants. Lafayette subsistait à ses propres besoins ainsi qu’à ceux de bon nombre de ses hommes.
Le Marquis de Lafayette et Georges Washington se rencontrèrent lors de l’été 1777. Il y eut entre les deux hommes un lien immédiat. Lafayette avait 19 ans, Washington, 45. En septembre 1777, Lafayette rejoignit le camp armé du général Georges Washington sur les rives de la crique Brandywine au sud de Philadelphie. Washington assigna Lafayette aux forces du général John Sullivan, qui se trouvaient dans une bataille difficile contre les « redcoats» britanniques ; les redcoats tentaient d’entourer Washington et ses hommes. Le général Sullivan fut forcé de battre en retraite, durant laquelle Lafayette fut blessé à la jambe. Georges Washington, particulièrement inquiet des blessures de Lafayette, lui envoya son propre chirurgien, lui intimant de « le traiter comme s’il était mon propre fils. » Étant donné que Georges Washington n’avait jamais eu d’enfant, cet acte était un honneur particulier, et démontrait la profondeur de leur amitié. Cette amitié dura jusqu’à la mort de Washington en 1799.
Ils s’établirent à Valley Forge durant l’hiver 1777-1778. Durant cette période, Lafayette travailla sans relâche pour obtenir le soutien de la France et ainsi aider la révolution américaine. Ce fut en début d’année 1778 que l’alliance française arriva afin de soutenir les efforts des révolutionnaires contre l’autorité britannique.
En 1781, la dernière bataille majeure de la révolution américaine se déroula à Yorktown en Virginie. En tant que commandant des forces continentales de Virginie, Lafayette et ses hommes réussirent à maintenir à Yorktown le lieutenant général britannique lord Cornwallis et son armée. Pendant ce temps Georges Washington et ses troupes avec l’aide du comte de Rochambeau de France, encerclèrent les britanniques et les forcèrent à se rendre.
Après la révolution américaine Lafayette et Washington restèrent de très proches amis. A la fin de l’année 1781, Lafayette retourna en France et rejoignit l’armée française. Son travail consistait en partie à établir des accords commerciaux entre les colonies nouvellement libérées et la France. Dans cette tâche, il travaillait en étroite collaboration avec Thomas Jefferson, qui, à cette époque était ambassadeur américain auprès de la France.
Washington et Lafayette correspondaient régulièrement, renforçant ainsi leur amitié et respect mutuels. Dans une lettre au Marquis, datant de 1784, Georges Washington écrit : « Inutile de vous redire, mon cher Marquis, la sincérité de l’amitié et du respect que je vous porte, et je ne saurais trouver les mots pour exprimer mon affection à votre égard, devais-je même tenter de le faire. » En témoignage de leur amitié, Lafayette appela son fils aîné Georges Washington de Lafayette, en hommage à son cher ami.
Durant les années qui suivirent, La France se trouva dans la tourmente de soulèvements politiques et sociaux. Lafayette était en faveur d’un corps gouvernant qui représenterait les trois classes sociales ; il rédigea également la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Après avoir engrangé une expérience militaire importante lors de la révolution américaine, il reçu le titre de commandant de la garde nationale de Paris. Le 14 juillet 1789 après que la Bastille fut prise d’assaut par une horde furieuse, les clés de la Bastilles furent confiées à Lafayette. La Bastille, au delà d’être une prison, était un symbole de la répression royale. Le peuple de France, en se révoltant contre la Bastille, se soulevait contre la répression directe de la monarchie. En mars 1790, Lafayette, enthousiasmé par le soulèvement du peuple, comme il l’avait été par les révolutionnaires américains envers l’autorité britannique, envoya la clé de la Bastille ainsi qu’un dessin de la prison détruite à Georges Washington, au nom du peuple de France. La clé et le dessin furent d’abord confiés à Thomas Paine puis transmises à John Rutletge Junior, qui retournait aux Etats-Unis depuis Londres. Lorsqu’il la reçut, Georges Washington fit faire un étui doré sur mesure pour exposer la clé comme il se doit, non seulement comme un cadeau d’un ami cher, mais également comme une représentation symbolique de la liberté, en « témoignage de la victoire de la liberté sur le despotisme. »
La clé fut exposée pour la première fois lors d’une réception présidentielle à New York en août 1790. Le siège du gouvernement s’installa à Philadelphie à l’automne 1790 et la clé y resta en exposition jusqu’en 1797, pour se retrouver par la suite au Mount Vernon. Georges Washington se retira dans sa chère demeure et donna à la clé une place d’honneur, dans le couloir central du rez-de-chaussée du Mount Vernon, où elle se trouve toujours exposée.
Le Marquis de Lafayette retourna aux Etats-Unis en 1794 ; il séjourna au Mount Vernon durant 10 jours, lors d’une visite à Georges Washington et sa famille. Lafayette, avec son fils cette fois, retourna de nouveau au Mount Vernon en 1824, au cours d’un voyage d’un an aux Etats-Unis. Là, dans le couloir central, accrochée depuis de nombreuses années, se trouvait la clé de la Bastille. Pour Lafayette, cela constituait sûrement un reflet émotionnel de guerre et de liberté, à la fois pour la France et les Etats-Unis.
Le Marquis de Lafayette décéda d’une pneumonie le 20 mai 1834 et fut enterré au cimetière Picpus à Paris. Lorsque la nouvelle de sa mort traversa l’océan, une partie de la nation fut en deuil. Le président Andrew Jackson ordonna que le Marquis de Lafayette reçoive les mêmes honneurs funéraires que Georges Washington lorsqu’il était au service de son pays. John Quincy prononça un long éloge de trois heures au congrès, dans lequel il affirma : « Le nom de Lafayette restera dans les annales de notre espèce, sur la liste des bienfaiteurs purs et désintéressés de l’humanité. » La tombe de Lafayette fut, en partie, recouverte de terre américaine, et un drapeau américain fut planté à coté de son tombeau.
Le Marquis de Lafayette est considéré comme un héros de la révolution américaine. On lui attribua la nationalité américaine à titre honorifique en 2002, et il est connu comme « le héros de deux mondes. » Aucune autre personne d’un pays étranger n’a mérité et reçu le niveau d’estime, de respect et d’appréciation que celui qui fut donné au Marquis de Lafayette et à l’armée française. Sans l’aide de Lafayette et de l’armée française, les Etats-Unis seraient un endroit totalement différent, et peut être, n’existerait même pas tel que nous le connaissons aujourd’hui.