Patrimoine

Published on mai 1st, 2023 | by Joshua Chanin

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« Vive la Reine ! » : l’héritage de la reine en France

Le 8 septembre 2022, la reine Elizabeth II est décédée paisiblement dans sa résidence écossaise, le château de Balmoral. Elle avait 96 ans. Sur le trône depuis plus de soixante-dix ans, la reine était non seulement devenue l’icône de la Grande-Bretagne, mais aussi une formidable matriarche vers laquelle le monde se tournerait pour trouver force et conseils durant ses jours les plus sombres et les plus imprévisibles. Comme beaucoup d’autres dans le monde, j’ai versé des larmes le 19 septembre pendant que le cercueil de la reine était lentement descendu dans le sol de la chapelle St. George à Windsor. La mort de la reine a été dévastatrice et semblait très importante à l’époque puisqu’elle était le seul monarque que beaucoup avaient connu – je me souviens avoir dit à mes étudiants en histoire d’absorber les informations qu’ils avaient reçues sur le décès de la reine parce que cet événement notable ferait parler de lui pendant de nombreuses décennies. Depuis septembre, j’ai beaucoup lu sur l’histoire de la famille royale britannique et j’ai honoré l’héritage de la défunte reine en publiant un article sur sa visite au Texas en 1991 dans le North Texas e-News Magazine. Outre l’approbation du Lone Star State par la reine, elle nourrissait également une affection particulière pour la France, en particulier la capitale – déclarant un jour à l’ancien président Jacques Chirac qu’elle ne se lasserait jamais « de l’élégance et du charme de Paris ». J’ai l’intention de discuter de l’affection sincère de la reine pour la France dans ce bref article.

Les étudiants ont offert à M. Chanin un portrait de la reine Elizabeth II en mai 2022. Crédit photo : collections de photographies de M. Joshua Chanin

La première visite officielle de Sa Majesté en France a eu lieu en 1948 en tant que princesse et héritière présomptive – elle n’a été couronnée qu’à la mort de son père, le roi George VI, en 1952. Elle était accompagnée de son mari, le prince Philip, duc d’Édimbourg. En raison de la grâce et du professionnalisme exceptionnels de la princesse Elizabeth, peu de gens auraient deviné qu’elle n’avait que 22 ans. Sa visite comprenait une agréable promenade en bateau sur la Seine, l’ouverture d’une exposition sur la vie britannique à Paris à travers huit siècles à la Tour Eiffel, un discours sur l’importance des relations franco-anglo-saxonnes (qui a été prononcé dans un français impeccable) et une audience avec Vincent Auriol, le président de la France. Auriol décerna à la princesse la Légion d’honneur, l’ordre de mérite le plus élevé de France. Selon un film d’actualités de 1948 intitulé Elizabeth In Paris, des milliers de Parisiens se sont alignés sur la route de l’Arc de Triomphe, agitant des drapeaux et se bousculant avec d’autres dans l’espoir de voir la princesse. Dame Menna Rawlings, l’ambassadrice britannique en France, a rapporté la joie et l’excitation de la princesse alors qu’elle « marchait dans les rues avec des foules la saluant aux fenêtres et aux balcons ». Le film d’actualités se terminait par des images de la princesse et de son prince lors d’une course de chevaux, saluant une foule extatique ; Le narrateur remarqua que « c’était un jour où les favoris doivent bien s’en sortir… » Ce voyage immensément réussi fut un début approprié pour les relations chaleureuses de la future souveraine avec la France.

Sa visite suivante en France eut lieu en 1957, cinq ans après son ascension soudaine au trône. La reine fut comblée d’admiration sincère par des milliers de Parisiens – des groupes avaient campé dans les rues pendant des jours en attendant d’apercevoir la belle souveraine. La reine rencontra René Coty, le dernier président de la IVe République française. En 1960, la reine invita le héros de guerre et président français Charles de Gaulle au palais de Buckingham à Londres. Elle conférât à de Gaulle l’Ordre royal de Victoria, un ordre dynastique de chevalerie, pour son service personnel distingué à la monarchie britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme on le voit dans un film d’actualités de 1960 intitulé Visite d’État de De Gaulle, le président français fut chaleureusement accueilli par la reine et le peuple britannique ; le programme de la visite comprenait une promenade en calèche à travers Westminster, un dîner d’État et une apparition au balcon de Buckingham Palace. Le dernier soir de sa visite, De Gaulle eut droit à une Croix de Lorraine illuminée (symbole des Forces françaises libres de De Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale) ainsi qu’à un spectaculaire feu d’artifice. Le narrateur fit l’éloge de De Gaulle comme « le président d’une nation renaissante, dont il a confirmé la stabilité politique ; une bénédiction refusée depuis plus de quarante ans…les observateurs du premier rang constatèrent que le visiteur [De Gaulle] était profondément ému ; il renouait avec la ville de son exil de quatre ans. » Un moment amusant du voyage se produisit lors du dîner d’État – un invité demanda à l’épouse de De Gaulle, Yvonne, ce qu’elle attendait avec impatience en ce qui concerne la retraite prochaine de son mari. Elle répondit avec ce qui sembla être une réponse risquée : « un pénis ». Un silence inconfortable serait descendu sur la table du dîner… jusqu’à ce que la reine intervienne et réplique : « Ah, le bonheur. » (NDLR : en anglais : « a penis », ce qui avait été compris, « happiness » ce qu’elle avait dit, sans doute à cause de son accent français).

La tendre relation de la reine avec la France s’épanouit à la fin du XXe siècle et dans le nouveau millénaire. Lorsqu’elle invita le président Georges Pompidou à prendre le thé à Londres en 1972, la reine exprima son amour pour le « mélange unique d’amitié et de rivalité » de la France et de la Grande-Bretagne qui unissait les nations (et un soupçon de joie lorsque la Grande-Bretagne joignit l’Union européenne – « nous ne conduisons pas du même côté de la route », fit-elle remarquer, « mais nous allons dans la même direction »). Le successeur de Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing, se rendit à Londres en 1976 et, après une conversation fructueuse, repartit avec un chiot Labrador retriever en provenance de l’un des chenils de la souveraine. La reine bénéficia de la compagnie de François Mitterrand et Jacques Chirac, présidents de la France dans les années 1980 et 1990, soit à Paris, soit à Londres. Elle reçut également le président Nicolas Sarkozy et organisa un magnifique dîner d’État pour le fonctionnaire français en 2008. Sa dernière visite en France remonte à 2014, à l’occasion du 70e anniversaire du jour J. Lors du dîner officiel au palais de l’Élysée à Paris, la reine souligna l’importance pour la Grande-Bretagne et la France de se tenir côte à côte pour promouvoir la sécurité mondiale. Elle rappela également ses bons souvenirs de La France (laissant subtilement entendre que la visite de 2014 pourrait être sa dernière…) : « Je me souviens de mon propre bonheur, de découvrir ce beau pays par moi-même et pour la première fois, et de développer ma propre grande affection pour le peuple français. » Le président François Hollande fit l’éloge de celle qu’il qualifia d’inspiration et qui personnifiait la phrase « restez calme et continuez ! »

La défunte reine visitant la France, 1972. Crédit photo : collections de photographies de M. Joshua Chanin

À la fin de sa visite en 2014, la reine s’était adressée au président et aux invités estimés du Sénat français, mentionnant que « la lutte, le sacrifice et la réconciliation partagés dont nous nous souvenons [pendant et après la Seconde Guerre mondiale] renforcent l’unité et la compréhension » entre la Grande-Bretagne et la France. La souveraine souligna également qu’il est dans l’intérêt des deux nations de reconnaître le grand potentiel et les espoirs des générations futures de dirigeants – « les décisions que nous prenons devraient toujours être conçues pour élargir leurs horizons et enrichir leur avenir, de la protection de notre environnement à la prévention des conflits ». Le discours fut présenté d’une manière convaincante, mais calme. Avant son départ, les Parisiens crièrent avec enthousiasme « Vive la Reine ! » (Vive la Reine) chaque fois qu’ils voyaient le cortège de la souveraine ; le sentiment était ironique de la part du groupe de passants qui se tenaient devant la prison de La Conciergerie, la forteresse où Marie-Antoinette avait été emprisonnée avant son exécution sanglante en 1793. En outre, un marché aux fleurs parisien fut rebaptisé Marché aux Fleurs Reine Elizabeth II en 2014 pour refléter l’énorme affection des Français envers la souveraine. Plus récemment, le président Emmanuel Macron rencontra la reine Elizabeth II à plusieurs reprises, notamment à l’occasion du 75e anniversaire du jour J sur les plages de Normandie et du 70e anniversaire de l’OTAN à Londres, tous deux en 2019. Lorsque la reine célébra son jubilé de platine à l’été 2022, l’ambassade britannique à Paris organisa des thés très fréquentés et plusieurs groupes du sud-ouest de la France organisèrent leurs propres festivités.

Le discours sombre du président Macron après la mort de la reine Elizabeth II toucha une corde sensible chez les Français : « Nous ressentons tous un vide… Pour vous [les Britanniques], elle était votre reine. Pour nous, elle était la Reine. Elle sera avec nous tous pour toujours. » En somme, la Reine, qui fit preuve d’une intégrité et d’une stabilité authentiques dans son rôle international pendant plus de soixante-dix ans, représentait la continuité d’une relation entre deux pays qui étaient autrefois fréquemment en guerre l’un contre l’autre, mais qui sont maintenant liés à des traditions sociétales communes, à des objectifs mondiaux de paix et de prospérité et à l’amour entre leurs peuples.

Bibliographie

Pimlott, Ben. La reine: une biographie d’Elizabeth II. Hoboken, NJ: Wiley Publishing, 1998.

Smith, Sally Bedell. Elizabeth the Queen: La vie d’un monarque moderne. New York: Random House, 2012.

Vidéos sur Youtube, dont Elizabeth à Paris (1948), Visite d’État de De Gaulle  (1960), Discours de la Reine au Sénat (2014).

Cet article a été traduit en français par Sandrine Sweeney.

Crédit Photo d’En-tête : Roméo: https://www.pexels.com/photo/close-up-of-gate-of-buckingham-palace-1560102/


About the Author

a obtenu son diplôme de premier cycle en histoire et en sciences politiques à Austin College, au Texas. Il fréquente l'Université du Texas à Arlington où il espère obtenir une maîtrise et un doctorat en histoire. Chanin envisage de devenir professeur d'histoire américaine plus tard (mettant l'accent sur la révolution américaine) et a publié des articles pour le magazine Texas Lifestyle, le Midwest Book Review et le Armstrong Undergraduate Journal of History. Il aime partager ses nouvelles recherches et découvertes avec tout le monde, en particulier les lecteurs du French Quarter Magazine.



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