Culture

Published on mars 16th, 2023 | by Isabelle Vaurie

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Hugo Jasienski, Acteur Engagé Contre les Violences Faites aux Femmes

En 2021, le New-York Times consacrait un article sur les artistes parisiens aidant les malades à lhôpital grâce à lengagement du Théâtre de la Ville* dont fait partie Hugo Jasienski, acteur, musicien et poète. L’artiste aux 1000 projets est à la tête de la Compagnie Divagations pour laquelle lart est un moyen de lutter contre inégalités, injustices et isolement sous toutes ses formes. 

Il lance le projet de spectacle Pas un Pas ne se Perd, engagé contre les violences faites aux femmes avec une campagne de financement participatif que chacun peut soutenir à la hauteur de ses moyens. 

Rencontre avec un homme passionné. 

Hugo Jasienski. Crédit Photo : Marion Gire

Hugo Jasienski, quel a été votre parcours ? 

Initialement, je voulais être médecin. Mais mon contexte ne me permettait pas d’étudier plusieurs années. Par accident, je suis rentré au Cours Florent qui m’a proposé une formation accélérée et… gratuite. Puis, j’ai décroché mon premier contrat au Théâtre de la Ville avec une troupe new-yorkaise : le Nature Theater of Oklahoma. Ensuite, tout s’est enchaîné. Les projets, les scènes, les cours, etc. Je n’ai pas attendu que le téléphone sonne, j’ai provoqué les choses et les rencontres ont permis que j’enchaîne. 

Hugo Jasienski à l’hôpital. Crédit Photo : Marion Gire

Vous auriez pu vous occuper de votre carrière uniquement, pourquoi cet engagement social ? 

J’ai moi-même dépendu des structures sociales qui m’ontpermis d’accéder à la culture, à définir ma pensée, mes convictions naissantes. En grandissant, j’ai voulu donner mon temps et mon énergie dès que possible à des gens isolés, en difficulté. Je suis de nature très optimiste, j’ai de l’énergie à revendre et la santé… Pas d’excuse. Se souvenir d’où on vient, toujours. Je trouve ma force et mon énergie dans les rencontres que je fais au sein des associations avec lesquelles je travaille. 

La poésie a une place à part dans votre travail, pourquoi ? Et quelle poésie ?

La poésie est le meilleur prétexte du monde pour plonger dans l’autre et laisser l’autre plonger en nous. Ce n’est pas qu’une forme littéraire, c’est l’expression d’une sensibilité personnelle profonde. Elle raconte des instants. On pense, à tort, que c’est réservé à une élite. Au Théâtre de la Ville, c’est mon outil de travail. Des poèmes plein les poches, je pars à l’aventure des gens dans la rue, dans des structures, je parle avec eux puis décide d’un poème à leur dire, dans les yeux, susceptible de leur faire du bien, cela s’appelle une Consultation poétique. Nous avons pour cet exercice constitué plusieurs recueils avec des poèmes de toutes les époques, venus du monde entier !! Je n’ai pas de préférence, je choisis mes poèmes en fonction de la personne en face de moi, de ce qu’elle me confie, de ce dont elle semble avoir besoin. 

Vous nous ramenez à la définition première de la poésie par les Grecs : la création par excellence « transformer de la matière en avenir… »

Exactement et c’est une définition puissante !

Et malgré toutes vos activités vous réussissez à composer de la musique ? 

La musique est un refuge, un vecteur étonnant. Depuis des années, je rencontre quotidiennement des gens de tous horizons – avec leur culture, leurs influences. Je découvre des poètes et artistes du monde entier. Je fais partie de la Troupe de lImaginaire du Théâtre de la Ville où tous les âges et toutes les cultures sont représentés. Chaque rencontre a un impact sur mon processus de création. Je compose aussi en fonction de ce que je perçois des artistes avec lesquels je travaille : leurs humeurs, leur vulnérabilité, leur intériorité. C’est très rare que je manque de matière pour composer ! Et souvent, c’est la nuit, ou en arpentant les rues d’un rendez-vous à l’autre que les idées me viennent. 

Votre projet Pas un Pas ne se Perd associe Piaf et votre engagement. En quoi Piaf peut-elle encore inspirer aujourd’hui ? 

Piaf est une figure universelle. Un mélange bien connu d’excès et de mesure, de force et de vulnérabilité. Elle m’inspire depuis l’enfance, et ses textes et mélodies vibrent encore très fort dans le monde. Nous avons joué ce spectacle à la Halte de l’Hôtel de Ville, devant des femmes aux parcours de vie extrêmement difficiles. A la fin du spectacle, elles étaient bouleversées et pleines de gratitude. Nous aussi. C’est à ce moment-là que j’ai eu l’envie très forte d’engager ce projet aux côtés de deux associations : Women Safe & children et Le Planning Familial. L’action de ces associations force le respect et l’admiration.

Plus intimement, ce spectacle est aussi un hommage à l’une de mes meilleures amies disparue il y a quelques mois. Je pense qu’elle serait particulièrement fière de mon engagement aujourd’hui. Je le fais pour elle. 

Pas un Pas ne se Perd. Crédit Photo : Marion Gire

Votre projet a recours au financement participatif, comment peut-on le soutenir  ? 

En y contribuant!  (lien ci-dessous) (dit-Hugo J de sa voix grave en riant). J’aime l’idée d’avoir recours à ce procédé, c’est l’entraide par excellence et chacun participe à hauteur de ses moyens pour soutenir un projet. Et régulièrement des gens nous témoignent de leur soutien. L’union fait la force et ce financement rassemble aussi, c’est ce qui est fort. 

https://www.helloasso.com/associations/divagations/collectes/de-jeunes-artistes-chantent-piaf-contre-les-violences-faites-aux-femmes

Quel est le projet de vos rêves ? 

Je veux continuer à me raconter qu’il est possible d’abattre les frontières. S’inscrire à mi-chemin entre l’institutionnel, l’alternatif. Faire cohabiter dans une même salle des sans-abris, des mineurs, des soignants, des avocats, des enseignants, des ouvriers. C’est mon rêve et le projet de la Compagnie Divagations que je dirige. L’idée que je me fais de la réussite, c’est précisément de changer le plus possible d’espaces pour aller à la rencontre de gens venus d’horizons multiples, dans des contextes variés. Créer des histoires, des chansons, des images qui racontent le monde au monde.

Alors scènes nationales subventionnées, cantines d’hôpitaux, squats, musées, hangars, peu importe, c’est le spectacle qui compte. 

Quelle est la réussite dont vous êtes le plus fier ? 

La confiance des associations, celle des artistes que je porte ainsi que celle de mes anciennes et anciens élèves. C’est une chance rare, et j’y puise toute ma force et ma combativité. La confiance du Théâtre de la Ville également, qui en complément de mes engagements personnels, bénévoles et citoyens, m’a permis d’arpenter les hôpitaux, prisons, écoles… je me sens pris au sérieux, soutenu, propulsé. Fier de la confiance de ces gens qui croient en mes idées et en ma faculté à les porter à bout de bras. 

Quelle est votre définition de l’art ? 

L’art, c’est ce qui fait vibrer le cœur, le corps, l’esprit. C’est toucher au réel et à l’irréel à la fois. C’est mettre l’humain face à ses choix, sa beauté, sa laideur, son imperfection. C’est un processus cathartique pour l’artiste et pour le spectateur. Cela demande du courage, de la générosité. C’est un métier souvent peu reconnu et très fantasmé… C’est pourtant l’endroit de la rencontre ! On raconte des histoires depuis la nuit des temps, à travers la musique, le théâtre, la sculpture, la peinture, il doit bien y avoir une raison à ça !

L’art permet de sortir de soi pour mieux y revenir. Il rassemble, il véhicule des valeurs. 

Vous vivez à Paris, quelle est votre relation à cette ville ? 

Paris est une ville stressante et je peine à y trouver ma place. J’ai souvent Paris en horreur, puis je me souviens combien je l’aime, combien c’est précisément l’endroit des possibles, et combien j’y suis attaché.

Les multiples associations parisiennes y font un travail remarquable, on y fait des rencontres bouleversantes ! C’est une ville chargée d’histoire(s), de luttes. A chaque trottoir, on trouve l’inspiration. Mais il faut savoir s’en extraire ponctuellement, ma charge de travail le permet rarement. 

Hugo Jasienski à Paris. Crédit Photo : Marion Gire

Vous aimez la photographie, est-ce avec l’intention d’en faire quelque chose d’artistique ?

C’est un médium fantastique. On sculpte la lumière ! Je travaille actuellement sur mon premier court-métrage, qui lui aussi parlera des violences faites aux femmes. C’est l’image, la photographie qui seront mes outils. 

Le reste du temps je fais du spectacle vivant, construisant chaque jour des châteaux de cartes. La photographie est un beau moyen de garder la trace, saisir les instants de vie. 

Ses artistes et lectures préférés

  • Sarah McCoy, une incroyable pianiste et chanteuse de blues américaine de la Nouvelle Orléans, qui vit à Paris 
  • Shakespeare, Whitman, Virginia Woolf, Andrée Chedid, mon amie Julie Bordas (poétesse parisienne contemporaine)
  • Olivia Colman   
  • Yvonne, Princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz (auteur polonais)
  • Tous les recueils de poésie d’Andrée Chedid.

Ses références théâtrales

Shakespeare, Pinter, Victor Hugo, Lagarce, Musset, Corneille

Benne Besson, Ostermeier, du côté des metteurs en scène. 

Simon Falguières, un grand poète de notre époque, et un excellent metteur en scène ! 

Mon grand ami Mathias Zakhar, qui ne mesure pas assez combien il nourrit et inspire théâtralement chaque personne qui croise sa route !

Le collectif féministe Louves qui se bat par le biais artistique 


Son lieu parisien préféré

Les Buttes Chaumont, coin de paradis du 19e où on voit des couchers de soleil sublimes.

Pour soutenir le projet Pas un Pas ne se Perd

https://www.helloasso.com/associations/divagations/collectes/de-jeunes-artistes-chantent-piaf-contre-les-violences-faites-aux-femmes

Les Buttes Chaumont. Crédit Photo : Isabelle Vaurie


Hugo Jasienski :  https://instagram.com/ciedivagations

*When an Actor calls with a poem to share 


About the Author

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est agrégée d'anglais et diplômée en sociologie. Elle enseigne dans le supérieur et elle vit depuis 2021 sur L'Ile de la Réunion où elle a posé ses valises après de nombreux voyages et déménagements.



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