Published on mars 3rd, 2021 | by Christopher Cipollini
0Une Librairie Anglophone sur la Rive Gauche de Paris : l’Héritage Littéraire de Shakespeare and Company
La dernière fois que j’ai visité Paris en décembre 2019, c’était un monde très différent. Les gens se promenaient dans les “rues et boulevards,” libres et décontractés, pas de masques pour parler autrement que dans certaines anciennes boutiques de costumes de déguisements. Je n’ai passé que quelques jours à Paris donc mon itinéraire était bien planifié chaque jour : musées, Café De Flore, petites pauses plaisirs en buvant du Darjeeling avec un ami dans le 7e arrondissement et baguettes croustillantes à souhait, tout en regardant les News françaises dans le hall de l’hôtel. Le soir, je dégustais un bon vin en mangeant du beurre salé sur de la baguette, le tout dans une ambiance tamisée et romantique.
Malgré la manifestation qui avait eu lieu dans la ville, j’ai quand même réussi à me distraire, tout en restant à l’écart manifestants déchaînés, de la nuisante des klaxons et des rues parisiennes généralement animées. Un après-midi, en faisant une bonne sieste dans mon hôtel, le pittoresque “Hôtel Alain,” je réalisais que je n’avais pas apporté de livre. J’avais maintenant une bonne raison de faire un pèlerinage à “Shakespeare and Company.”
J’ai marché sous la pluie jusqu’à la rue de la Bûcherie et je me suis retrouvé sur la rive gauche vénérée et tant rêvée.
Mon esprit a commencé à divaguer vers toutes sortes de scénarios New Wave. J’ai imaginé Ana Kerina, Alain Delon, Serge Gainsbourg flânant le long de la Seine, emmitouflés dans leurs cols roulés et écharpes de laine.
Malgré la morosité de cette journée d’hiver, une devanture verte émeraude brillait de couleurs vives et gaies. Dehors, étaient assis à la terrasse des gens à la mode en caban de laine, camouflés derrière un papier journal à lire et chargés de paquets des grands magasins parisiens. J’ai ouvert la porte de la boutique et j’ai été immédiatement envahi d’émotions. Il y avait une série d’étagères alignées de haut en bas des auteurs du passé et du présent dont les livres, parus dans le monde entier s’y trouvaient : Chaucer, Voltaire, Rimbaud, Victor Hugo, Genet, Keats, Capote, pour n’en nommer que quelques-uns. Tout dans ce magasin me paraissait magique.
Les étagères en bois séculaires et les innombrables images encadrées des grands esprits littéraires du passé de Dickinson à Angelou tapissaient les murs. De petites vignettes désuètes compensent des chaises usées mais pépères dans lesquelles nous nous perdons. Le personnel jeune et énergique sautillant d’étagère en étagère, voltigeant comme des papillons de nuit impatients. Il y avait aussi une alcôve sombre contenant un Remington des années 1920 éclairé presque comme un sanctuaire sacré – le tout avec la bande-son discrète de la pluie parisienne légèrement crépitante à l’extérieur.
C’était Shakespeare and Company.
Mon cœur était à la maison.
La grande ironie dans cette histoire c’est que ce grand incontournable de la vie littéraire parisienne a été conçu par un expatrié d’Amérique. En 1919, Sylvia Beach, intrépide et originaire du New Jersey, avait la grande ambition d’implanter la boutique à son emplacement d’origine au 8 rue Dupuytren. En 1922, elle déménage dans un emplacement plus important au 12 rue de l’Odéon. Servant à la fois de boutique et de bibliothèque de prêt. Sylvia Beach a rapidement fidélisé une clientèle non seulement parmi les expatriés et les amateurs de littérature, mais aussi de grands écrivains eux-mêmes. Elle se fait un nom juste à l’aube de l’une des grandes périodes artistiques culturelles de la ville, et avec des fidèles tels que Man Ray, F. Scott Fitzgerald, Gertrude Stein, Salvador Dali, Ezra Pound et Ernest Hemingway, entre autres. Beaucoup d’entre eux conduiraient des lectures publiques et des conférences de leurs œuvres. Cette version du magasin d’origine, cependant, deviendrait malheureusement une causalité de l’occupation allemande de la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Cependant, en 1951, un autre Américain passionné de littérature, George Whitman, acquiert le magasin et le baptise “Le Mistral.” Se reconstruisant dans un Paris d’après-guerre, la boutique est devenue un point d’encrage majeur pour les écrivains, interprètes et artistes bohèmes de la ville. Préparant ainsi le terrain pour le changement culturel des années 50 et de l’ère beatnik. William Burroughs était un visiteur très présent, tout comme Terry Southern, Bertolch Brecht, Allen Ginsberg et Gregory Corso. Chacun était entouré de sa cour et accompagné de ses propres partisans. Whitman, lui-même un peu bohème, a beaucoup voyagé à travers le monde avant de devenir propriétaire du magasin. Ses “aventures hobo” pendant la Grande Dépression et ses voyages, ainsi que ses goûts éclectiques, ont inspiré nombreux de sa clientèle à faire un passage à la librairie. Whitman était également connu pour accueillir ceux qu’il appelait “tumbleweeds.” C’étaient des artistes, des poètes et des écrivains, qu’il autorisait à rester dans la boutique, séquestrés dans des lits douillets nichés dans les alcôves des étagères, à condition de lire un livre par jour et d’aider à la gestion de la boutique jusqu’à leurs voyages, ou partager le quotidien jusqu’à leurs prochains voyages qui les emmèneraient ailleurs. Pendant son temps de travail à Shakespeare and Company, on estime que plus de 30 000 “tumbleweeds” considéraient le magasin comme leur domicile temporaire – une pratique qui continue à ce jour.
En 1964, à la mort de Sylvia Beach, propriétaire d’origine de la boutique, et à l’occasion du 400e anniversaire de William Shakespeare, Whitman a rebaptisé la boutique «Shakespeare and Company,» un nom qui est resté depuis.
Sous la propriété de Whitman, la boutique a prospéré non seulement comme une librairie populaire et bien organisée, mais comme un pays des merveilles bohème aussi essentiel à l’envie de voyager d’un poète visitant Paris que le Café De Flore ou la Place des Vosges – la maison de Victor Hugo – un must pour tous ceux qui ont été émus par Blake, Karoeac, Baudelaire, Plath et les Beats. Whitman a fièrement appelé son entreprise “Une utopie socialiste masquant une librairie” – une déclaration qui n’était pas loin de la vérité. Des poètes, des mobilisateurs, des archivistes, des historiens et acteurs à temps partiel, ainsi que des personnalités littéraires estimées de Tennessee Williams à Susan Sontag, étaient certains d’ajouter “Shakespeare and Co à leur itinéraire lors de leurs voyages à Paris.
En 2006, Whitman a reçu l’Officier de l’Ordre des Arts et des Lettres, la plus haute et la plus prestigieuse distinction culturelle de France. En 2014, il est décédé dans son petit appartement au-dessus de la librairie à 98 ans après avoir passé son flambeau à sa jeune fille Sylvia, du nom du fondateur d’origine du magasin.
Dans les temps modernes, Shakespeare and Co s’est inextricablement tissé dans le tissu de la culture parisienne aussi parfaitement et sans effort que les cafés, les brasseries ou la musique en plein air. À tout moment de l’année, les rats de bibliothèque du monde envahissent la rive gauche fêtée et pénètrent dans l’édifice vert émeraude toujours hanté par Keatas, Melville, Hemingway, Steinbeck, Baudelaire, ainsi que Stephan King, Herman Hesse ou Voltaire. Nous avons pu retrouver la boutique dans de nombreux films comme “Julie et Julia” de Nora Ephron ou “Midnight in Paris” de Woody Allens.
Ces jours-ci, comme beaucoup de boutiques, le magasin tente de s’acclimater à un Paris post-pandémique. Avec des ventes fluctuantes et des voyages à l’étranger entravés, Shakespeare and Co recherche de l’aide en ces temps auprès de son “fidèles clients” : de l’humble local régulier au collectionneur extravagant de manuscrits. Sur le site Web de la librairie, les clients sont encouragés à “commander un livre ou deux.” L’adhésion, selon Sylvia, a été incroyable. Il compte des auteurs allant de Neil Gaiman à des politiciens comme l’ancien président français François Hollande, ainsi que de nouveaux écrivains en herbe et des étudiants en herbe. Cela seul prouve que les temps ont changé et bien en avance pour la célèbre librairie sur la Seine.
L’histoire de Shakespeare and Co est l’histoire de l’amour du livre. Comment une passion pour une page peut transcender la langue, et comment les histoires, qu’elles soient anciennes ou nouvelles, extravagantes ou apparemment simples, fantaisistes ou banales continuent à nous réchauffer le coeur. Je n’oublierai jamais l’impression que j’ai ressenti en parcourant cette merveilleuse institution et son espace sacré. Un lieu qui, malgré les temps incertains, les pandémies, les guerres et un monde en mutation, continue de saluer ceux qui cherchent à s’évader, ne serait-ce que pour quelques heures – dans le caractère “sacré” de cette librairie.
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Works Consulted
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NY Times George Whitman Biography
https://www.nytimes.com/2011/12/15/books/george-whitman-paris-bookseller-and-cultural-beacon-is-dead-at-98.html
Crédit Photo d’en-tête : Sierra Maciorowski de Pixabay