Published on janvier 6th, 2022 | by Pascal Ordonneau
0Connaissez-vous Vraiment l’Histoire des Rues de Paris : La Place des Etats-Unis ?
« A tout seigneur tout honneur »
A deux pas de l’Etoile, des Champs-Elysées et de la Seine, s’il est une place par où commencer « l’histoire des Etats-Unis racontée par les rues de Paris », c’est bien celle des Etats-Unis !
C’est une belle place, en forme d’un magnifique rectangle, régulier. En son centre, on trouve ce qu’on nomme en France un square, un espace en forme de jardin, de petite taille, orné de statues de grands hommes…. Américains bien sûr.
Le square, tout aussi impeccablement rectangulaire que la place, porte un nom illustre : celui du Président Jefferson (1743-1826). Une petite plaque rappelle qu’il fut le rédacteur de la constitution américaine (1776). Ambassadeur des Etats-Unis en France de 1785 à 1789, il sera le 3ème Président de son pays de 1801 à 1809. Le square porte son nom mais n’est pas orné de sa statue ! Paris ne l’a pourtant pas oublié : sa statue est au bord de la Seine, à deux pas du Musée d’Orsay et du Palais Bourbon, siège de l’Assemblée nationale (équivalent de la Chambre des Représentants).
D’où vient que cette place porte le nom d’Etats-Unis ? Cela tient à de curieuses circonstances comme bien souvent à Paris. Dans la capitale, les rues se voient attribuer des noms pour des raisons parfois saugrenues, pour des histoires étranges ou tout simplement pour la commodité et le respect des riverains. C’est le cas de la Place des Etats-Unis.
Il faut revenir en arrière et faire un peu d’histoire.
La place est récente à l’échelle de l’histoire parisienne. Elle débute sa vie urbanistique en 1886-1887. Jusque-là, elle n’existe pas : bien de peu de bâtiments y sont construits.
La place des Etats-Unis, aujourd’hui, est localisée dans le 16ème arrondissement, dans le quartier de Chaillot. Les Parisiens aiment à dire que Paris comme Rome a sept collines. La colline de Chaillot en est une : partant de la Seine, la pente est forte. La place elle-même est pentue. Des paysans vinrent au XVIème siècle s’installer sur les flancs de cette colline, prélevant des parcelles sur la forêt, aujourd’hui le Bois de Boulogne, coupant les arbres pour faire apparaître une terre à caillou, « chail » en vieux français qui a donné « Chaillot ».
Jusqu’au XVIIIème siècle, il ne se passe pas grand-chose sur ce bout de colline. Un peu plus bas, tout près de la seine, on érigea de belles demeures royales qui furent démolies lorsque Napoléon 1er envisagea de construire un château en l’honneur de son fils.
Les terrains à proximité de la place des Etats-Unis n’entrent dans le monde moderne que dans le courant du XIXème quand on usa de « pompes à feu » pour faire monter l’eau de la Seine sur la colline afin d’alimenter les fontaines d’une partie des quartiers de la rive droite de la Seine. Un vaste réservoir d’eau urbaine, dit de Chaillot, se tenait dans l’espace qu’occupe maintenant la place.
Dans le courant des années 1880, le réservoir fut supprimé et de nouvelles rues furent dessinées. La place des Etats-Unis pouvait rentrer dans l’histoire. Il lui fallut cependant attendre un peu, car elle avait pris un autre nom : celui de place de Bitche. Les édiles parisiens avaient voulu honorer la ville du même nom qui avait vaillamment résisté aux Prussiens durant la guerre franco-prussienne de 1870.
Ces mêmes années, un événement fit basculer la place vers les Etats-Unis : Levi Morton, ambassadeur des Etats-Unis, décidait d’y installer sa résidence puis quelques bureaux, quittant des locaux trop exigus rue de Chaillot.
Surgit alors une petite difficulté linguistique : la place portait le nom de Bitche qui, prononcé à l’américaine, ne correspondait à rien de convenable ni de flatteur. Le Département d’Etat s’offusque, l’Ambassadeur s’en inquiète et fait partager son émoi au Préfet de la Seine. Ce dernier, soucieux des relations harmonieuses avec les Etats-Unis, suggère que la place prenne sa dénomination actuelle. Quant à la ville de Bitche, elle retrouva une place au nord de Paris.
La place des Etats-Unis, est un véritable concentré d’histoire et de Souvenir.
Tout en haut du square Jefferson, l’histoire est bien présente. En premier lieu, un magnifique groupe sculpté précède le square. Il représente Lafayette apportant à George Washington l’aide de la France. Ce groupe, dans le style héroïque, fut commandé par les Etats-Unis au sculpteur Bartholdi, l’auteur de la Statue de la Liberté.
Tout en bas de la place, la statue en bronze d’un personnage de légende se tient debout, élégant et sublime : il glorifie les Volontaires Américains engagés aux côtés de la France lors de la première guerre mondiale. Cette statue de bronze, érigée le 4 juillet 1923, porte les traits du poète américain Alan Seeger. Engagé volontaire dans la légion étrangère française, il tombe dans la Somme, le 4 juillet 1916. Son nom est gravé à l’arrière du monument avec ceux des 23 autres Américains tombés dans les rangs de la Légion étrangère.
Sur le côté du piédestal sont gravés deux textes d’Alan Seeger, l’un dit « Ils ne poursuivaient pas de récompense vaine / Ils ne désiraient rien que d’être sans remords / Frères des soldats bleus à l’honneur, à la peine / Et de vivre leur vie et de mourir leur mort. L’autre : « Salut Frères, Adieu ! Grands morts deux fois merci / Double à jamais est votre gloire / D’être morts pour la France et d’être morts aussi pour l’honneur de votre Mémoire. »
Le poète américain avait souhaité que ces lignes fussent lues devant les statues de La Fayette et de George Washington, à Paris, le 30 mai 1916, jour du Decoration Day.
La place des Etats Unis est un lieu de mémoire : une plaque a été apposée en hommage aux victimes du 11 septembre 2001.
On voit aussi dans le square, deux autres statues, tout aussi solennelles mais moins héroïques (à vous d’en juger !!!) l’une met à l’honneur l’Ambassadeur Milton T. Herrick et fut inaugurée en 1937. Une autre qui date de 1910, illustre un… dentiste américain, Horace Wells (1815-1848), un pionnier de l’anesthésie.
Dans cet ensemble de bustes et de groupes, il manque une œuvre. On parle ici de la statue de la Liberté en réduction au cinquième. Offerte à la Ville de Paris par le Comité des Américains de Paris, elle fut inaugurée le 13 mai 1885 et installée en face de l’ambassade des Etats-Unis. En 1888, elle est déplacée, au milieu de la Seine, sur l’Ile aux Cygnes où elle est restée.
Tout autour de la Place, dans les années 1880, furent construits de somptueux hôtels particuliers et en firent un des hauts lieux de l’élégance parisienne. La place des Etats-Unis est entourée d’une étonnante série de bâtiment tous aussi munificents les uns que les autres.
Cet article a été traduit en anglais par Mirthia Prince