Patrimoine

Published on juillet 6th, 2021 | by Pascal Ordonneau

0

L’Histoire de la Rue Benjamin-Franklin (Paris)

Crédit Photo d’En-tête : herry wibisono de Pixabay 

La rue Benjamin-Franklin est à la fois récente et ancienne. Sise dans le 16e arrondissement de Paris, c’est une rue longue et compliquée, qui bifurque, se divise, partie haute, partie basse, en forte pente et plongeant vers la seine.

Elle appartient au quartier de la Muette dont la dénomination aurait pour origine un pavillon de chasse appartenant à Charles IX, roi de France de 1560 à 1574.

La rue, fort banale, est compliquée car nommée tout d’abord rue Franklin elle fut renommée en 1988, 200 ans après sa création, Benjamin Franklin. Sa plaque « très parisienne » émaillée en bleu profond écrite en lettres blanches, présente sobrement le personnage, (1706-1790) : physicien et homme d’Etat américain.

On ne racontera pas à un public américain qui était Benjamin Franklin et quelle importance il eût dans la vie politique et scientifique américaine. On s’interrogera plutôt sur la partie française de son existence. On commencera par cette déclaration savoureuse. La rue Franklin, puis Benjamin Franklin, fut attribuée en l’honneur de l’homme politique, diplomate, un des pères fondateurs des États-Unis mais aussi en tant qu’ancien habitant de Passy.

Benjamin-Franklin. Crédit Photo : WikiImages de Pixabay 

En vérité, le sage américain, envoyé à Paris pour y trouver aide et subside en faveur des « indépendantistes » fut accueilli en 1777, dans l’hôtel de Valentinois, très belle propriété dominant la Seine propriété d’un partisans français de la cause américaine : Jacques-Donatien Le Ray de Chaumont, grand-maître des eaux et forêt. Il y demeurera jusqu’en 1788. L’hôtel de Valentinois, qui fut partiellement détruit au début du XXème siècle, serait aujourd’hui situé rue Raynouard à quelques centaines de mètres de la rue Benjamin Franklin. Les restes de l’hôtel portent une plaque commémorative en l’honneur de l’installation du premier paratonnerre parisien conçu par le savant américain.

La rue Franklin, qui ne reçut et ce titre et ce nom, qu’en 1791 était en 1730 notée sur les cartes des alentours de Paris, comme un chemin qui serpentait le long des propriétés d’un couvent « le couvent des Minimes de Chaillot. » En 1788, le tracé de la rue est définitif. Il passe sur le couvent et en prend le nom très brièvement : « rue Neuve-des-Minimes. »

Le décès du grand homme, en 1790 à Philadelphie, donna lieu en France à trois jours de deuil national décrétés par l’Assemblée Constituante installée en 1789. En 1791, la rue Neuve fut renommée rue Franklin en l’honneur de celui qui avait honoré la France de sa présence.

Puis Paris s’étendit, la colline de Chaillot et ses alentours furent absorbés en 1860 par sa grande voisine, la commune de Paris ; sur ses pentes parfois vertigineuses furent progressivement bâtis immeubles, écoles et bâtiments administratifs prestigieux.

Le bonhomme Franklin n’aurait pas rougi de la transformation du vieux chemin rural en une rue jouxtant le Palais du Trocadéro où fut installé le célèbre Musée de l’Homme. Le Palais domine la Seine et offre une vue exceptionnelle sur la Tour Eiffel et le Champ de Mars où furent longtemps organisées les grandes expositions de la science et des techniques. Il longe la Rue Franklin pendant une bonne centaine de mètres et expose de magnifiques hauts reliefs. Une célèbre école, Saint-Louis De Gonzague, s’y installa en 1894 sous la houlette de la Compagnie de Jésus, (dits autrement « les Jésuites »). Elle fut surnommée du prénom du Grand Homme : Franklin. Avoir été enseigné à « Franklin » était (et est toujours) le signe d’une éducation de très haute qualité. Les vertus éducatives de Benjamin Franklin y furent-elles pour quelque chose ? D’autres écoles, Saint-Jean de Passy, Sainte-Marie de Passy (jusqu’en 1970) s’installèrent rue Franklin.

A l’extrémité de la rue, on trouve une magnifique statue en bronze.

Son socle porte des inscriptions votives et deux bas-reliefs en bronze. L’œuvre sculpturale est une copie de celle réalisée par John J. Boyle et installée à Philadelphie. Elle fut offerte par un banquier américain, John H. Haryes, en 1906. Sur le piédestal, deux bas-reliefs de Frédéric Brou : l’un illustre la réception de Benjamin Franklin à la cour de France lors de sa présentation au roi Louis XVI en 1778, à Versailles, l’autre présente la signature du traité de Paris en 1783.

Sur le front du piédestal, une citation de Mirabeau appelant le 14 juin 1790, à célébrer la mémoire de Benjamin Franklin.

« Ce génie qui affranchit l’Amérique et versa sur l’Europe des torrents de lumière, le sage que deux mondes réclament… »

En 1983, au pied de la statue, a été posée, à même le sol, une plaque à la mémoire du bicentenaire des traités de Paris et de Versailles qui consacrèrent l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique. Elle a été offerte à la ville de Paris par les « Filles de la Révolution Américaine » et porte cette citation de Benjamin Franklin : « le plus beau des ouvrages : l’élaboration de la paix. »

La rue Franklin était entrée dans l’histoire parisienne.

Elle fut progressivement bordée d’immeubles d’habitation, dont certains ont marqué l’histoire de l’architecture.

Au No 17 : un immeuble construit de 1929 à 1930 par l’architecte Marcel Hennequet en béton armé dont la façade est composée de bow-windows et couverte d’une décoration en granito ocre, alternée de lignes de faïence blanche.

Au No 25 bis : un immeuble à structure en béton armé (1903) construit par les frères Auguste et Gustave Perret annonce la transition vers l’Art déco.

Au No 8, l’homme politique Georges Clemenceau vécut de 1896 jusqu’à sa mort en 1929 au rez-de-chaussée d’un bâtiment bourgeois de modeste allure. Surnommé le Tigre, Georges Clémenceau, homme politique redoutable de la 3ème république, ancien Maire de Montmartre, plusieurs fois ministre fut « l’homme de la victoire » à la fin de la « Grande Guerre » en 1918. Un Musée qui lui est dédié est installé dans sa résidence de la rue Franklin.

Un de ses plus grands discours s’achevait ainsi : « Ma politique étrangère et ma politique intérieure, c’est tout un. Politique intérieure, je fais la guerre ; politique extérieure, je fais toujours la guerre… ».

Jusqu’à ce jour du 19 février 1919, quand la rue fut secouée par une série de détonations. Alors que Georges Clémenceau quittait son domicile pour se rendre au ministère de la Guerre, il est victime d’un attentat. L’auteur, Louis Émile Cottin (1896-1936), est un jeune anarchiste de 22 ans qui lui reproche notamment d’avoir lutté par la force contre les grévistes des usines de guerre.

Émile Cottin a fait feu à neuf reprises. Georges Clemenceau sera atteint par trois projectiles et blessé à l’épaule. Emile Cottin sera condamné à mort, mais verra sa peine commuée sur l’intervention de sa victime.

Il faut maintenant relever que cette fameuse rue Franklin est en bonne compagnie « géographique » : à deux pas (au sens précis du terme) de la place de Yorktown, à quelques centaines de mètres de l’avenue du Président Wilson et de la statue de Washington et non loin du quai Kennedy. Un peu plus loin, la statue de la Liberté éclaire le monde plantée à une extrémité de l’Ile aux cygnes.

Cet article a été traduit en anglais par Anne-Cécile Baer Porter.


About the Author

a 40 ans de banque chez plusieurs établissements français et anglo-saxons. Il est l’auteur de plusieurs livres sur l’économie et la banque, d’un livre de voyage, d’un roman et d’un livre sur l’Allemagne. Il écrit pour les journaux et la radio, dont les Echos, le Figaro, Huffington Post, Radio France International.



Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back to Top ↑