Published on mai 26th, 2021 | by Laurence de Valmy
0Marin Martinie est le lauréat de Art Students Week 2021
Le prix Art Students Week, fondé par la critique d’art et journaliste Alexia Guggémos vient de clore sa 6e édition. Durant 7 jours, les artistes de moins de 30 ans étaient invités à partager leur travail sur Instagram. Le jury composé de professionnels de l’art a sélectionné Marin Martinie, comme lauréat. Le jury a également récompensé ses coups de coeur : Geoffroy Chouan Sofia Salazarbb et Raphaëlle Chaygneaud-Dupuy et Aziseh Emmanuel.
French Quarter Magazine est heureux de faire partie des partenaires du prix et de soutenir ces jeunes créateurs avec La Maison des Artistes, Dalbe, Tribew Editions, Aica France, IESA arts&culture, Le Campus Fonderie de L’image et le Quotidien de l’Art.
“Cette édition a été marquée par un florilège d’innovations dans les formats digitaux : folioscopes dessinés, jeux optiques, stories…Marin Martinie, s’est distingué par son univers espiègle et inventif. Un génie du dessin et de l’animation dans la lignée d’un Walt Disney !” declare Alexia Guggémos.
La remise des prix Art Students Week 2021 a eu lieu sur la péniche de Louis-Laurent Brétillard, L’Archimède à Paris en présence de la célèbre artiste ORLAN, de certains membres du jury dont la critique Anaïd Demir et bien sur le Lauréat.
A la rencontre de Marin Martinie.
Marin, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?
J’ai grandi à Nantes et je me suis rendu à Paris pour mes études ; j’étais très soutenu par mes parents dans la voie artistique et notamment par ma mère qui est elle-même peintre et sculpteur. Je suis d’abord passé par la section illustration de l’école Estienne puis par le département cinéma d’animation de l’école des Arts déco de Paris d’où je suis sorti diplômé en 2018.
Comment décrivez vous votre travail ?
Mon travail se partage entre dessin et film d’animation, je m’intéresse à la façon dont des formes narratives ou expressives, en particulier les personnages, se construisent et se déconstruisent visuellement. J’attache beaucoup d’importance à l’improvisation, je pense qu’on peut faire confiance aux images qui viennent sans les inscrire dans un récit écrit à l’avance. Pour cette raison, mes images et mes films sont souvent au seuil de la narration, elles ne sont pas complètement abstraites parce qu’elles sont saturées de signes et de personnages expressifs, mais elles n’ont pas non plus une unité narrative stricte. Mon travail part souvent d’interrogations très générales sur le fonctionnement de la représentation visuelle, la tension entre fixité et mouvement dans les images d’aujourd’hui ou la nature des personnages graphiques. À partir de ces questions j’improvise des images, dans un registre assez classique de bande dessinée ou de film d’animation qu’on pourrait qualifier de burlesque ou de grotesque, et j’essaye de témoigner le mieux possible, dans les images, du plaisir que j’ai à dessiner.
ASW est organisé sur Instagram. Quelle est votre relation avec les réseaux sociaux ?
Je les utilise quotidiennement et Instagram me sert essentiellement à montrer mon travail artistique et suivre le travail de celles et ceux qui m’intéressent.
J’utilise ce média comme vitrine professionnelle. Les formats propres d’Instagram appellent des contenus spécifiques et, si on sait bien les produire, on peut trouver un public.
Malgré tout, l’expérience d’immédiateté et l’abondance des images, aussi séduisantes soient-elles, me font peur. Je trouve que, la plupart du temps, elles empêchent d’avoir une lecture attentive ou une réelle appropriation critique de l’image vue. Je suis également inquiet devant le partage des données et le travail de mise en scène de soi auquel Instagram et d’autres réseaux sociaux invitent les utilisateurs.
C’est donc une relation avec différents aspects car je suis bien sûr, très heureux et honoré d’avoir reçu le prix ASW 2021.
Vous combinez le dessin et l’animation et vous avez d’ailleurs reçu le prix Emergences 2019 pour votre court métrage Template Message. Comment cela a t il impacté votre parcours ?
Ce prix a été important pour moi parce qu’il représentait une reconnaissance professionnelle pour mon film de diplôme Template Message. Cette reconnaissance était, en plus, doublée de réels moyens financiers permettant de concrétiser un projet futur. Cette année-là je suis également devenu artiste-étudiant au Fresnoy, à Tourcoing, où j’ai pu m’essayer à l’installation dans un travail qui mêlait dessins originaux, édition imprimée et film d’animation. L’installation s’appellait Apparition des figures standards et elle figurait dans l’exposition Panorama 22 – Les Sentinelles au Fresnoy.
Entretemps j’ai entamé un doctorat de recherche-création avec le Fresnoy et l’université de Lille, sous la direction de Laurent Guido, et ma recherche porte sur les conditions de reproduction visuelle des personnages graphiques, avec les problèmes d’authenticité, de contrefaçon ou de détournement que cela suppose, avec une attention particulière au cas de Bugs Bunny, personnage très connu mais peu étudié en France.
Les prix sont très importants parce que ce sont de précieuses sources de financement pour des projets artistiques inscrits dans une recherche plastique et théorique qui peut prendre du temps.
Quels sont les artistes qui vous inspirent dans votre travail ?
Il y en a beaucoup! En bande dessinée j’ai été profondément marqué par Gotlib et Goossens, puis des auteurs américains comme Chris Ware, Jim Woodring ou Crumb et bien sûr la bande dessinée indépendante française : Jochen Gerner, Ludovic Debeurme, Francis Masse, Antoine Marchalot… ou le peintre et mangaka Yuichi Yokoyama.
En animation, j’ai une culture partagée entre le cartoon américain classique (Tex Avery, Chuck Jones) et une tradition plus lié au cinéma expérimental (Norman McLaren, Paul Bush, Georges Schwizgebel).
Un réalisateur contemporain que j’aime beaucoup, très audacieux et très drôle, est l’animateur anglais Peter Millard. On peut citer aussi la très polyvalente Marie Paccou. En illustration, j’aime beaucoup la folie de J.J.Grandville au XIXeme siècle, puis le travail de Benjamin Rabier et la veine très graphique et minimaliste de Saul Steinberg, que des gens comme Guillaume Chauchat renouvellent aujourd’hui.
Quels sont vos projets à venir ?
Je travaille sur ma thèse que je devrais soutenir d’ici 2 ans, qui sera aussi l’occasion de produire des petits objets éditoriaux sur la thématique de la construction et de la déconstruction du personnage graphique depuis l’exploitation marchande jusqu’au détournements contemporains sur les réseaux sociaux.
Je dessine quotidiennement dans des carnets et j’envisage de composer des recueils pour les éditer. Je vais également réaliser un film d’animation au Fresnoy à partir de septembre prochain, ce sera ma première incursion dans l’image de synthèse, et ça devrait parler de l’abstraction financière et monétaire et de la façon dont elle nous éloigne du réel.
Quels sont les projets de vos rêves ?
J’aimerais beaucoup faire une bande dessinée au long cours sans texte, avec une narration purement visuelle, je trouve que c’est un exercice intéressant et c’est aussi, comme je le disais plus haut, une façon de « faire confiance » aux images. Et, comme je pratique l’improvisation théâtrale dans une troupe amateur depuis presque une dizaine d’années, je crois que j’aimerais trouver une forme de spectacle vivant qui associe le dessin en direct, l’improvisation de comédiennes et de comédiens et pourquoi pas de l’animation. J’aimerais aussi me mettre à la peinture ! Il y a beaucoup de choses, comme vous voyez, j’ai du pain sur la planche…