Published on juin 22nd, 2021 | by Isabelle Karamooz, Founder of FQM
0Alain Baraton : Auteur du Livre « Mes Jardins de Paris »
Le dernier livre d’Alain Baraton se déroule à Paris. Du jardin partagé au jardin féministe ainsi qu’au jardin politique et militaire en passant par le jardin d’amour et contemporain, les espaces verts de Paris n’ont plus aucun secret pour Alain Baraton !
En tant que jardinier en chef du Domaine national de Trianon et du Grand parc du château de Versailles depuis 1982, il anime parallèlement en direct sur France Inter l’émission consacrée aux jardins et a tenu une chronique sur le jardinage dans l’émission la Quotidienne pendant plusieurs années depuis 2013. Il a choisi de partager des anecdotes étonnantes et ses impressions de jardinier sur les espaces verts de la capitale dans son ouvrage « Mes jardins de Paris. » Ce jardinier accompli nous livre aujourd’hui quelques secrets sur les poumons de Paris.
Crédit Photo d’En-tête : Pixabay.
Pourquoi avez-vous choisi de publier un livre sur les jardins de Paris ?
J’ai une amie qui possède une maison à côté de Notre-Dame de Paris. J’ai débuté mon livre dans le petit jardin à côté de chez elle, le Square René Viviani qui abrite un robinier, l’arbre le plus vieux de Paris.
Celui-ci est arrivé à Paris sous forme de graine. Ce sont des graines qui ont été prélevées en Amérique et je trouvais déjà extraordinaire que dans ce petit jardin, un arbre soit venu de si loin pour y pousser. Je me suis alors posé plusieurs questions : pourquoi ce jardin a-t-il résisté aux constructions, à l’urbanisation, à la pollution ? Qu’est-ce qui fait qu’on a voulu garder ce petit morceau de verdure là où il est ?
J’ai trouvé merveilleux que l’on donne le nom d’un jardin à un homme qui parle aux étoiles et qui leur donne des noms. Viviani était un astronome italien du XVIIe siècle. Sauf que le Viviani en question n’est pas l’homme qui découvrait les étoiles, c’est un autre homme qui était ministre du gouvernement français en 1914 et qui a inventé l’impôt sur le revenu, c’est beaucoup moins romantique. Je me suis rendu compte que finalement nous ne connaissons rien des jardins, ni l’endroit d’où ils venaient, comme le vieux robinier (accacia), ni l’origine de leur nom. Il existe plein de « squares Viviani » à Paris. Par exemple, le jardin des Tuileries, pourquoi s’est-il appelé ainsi ? Je l’ai découvert en écrivant le livre parce qu’il y avait une usine où l’on fabriquait des tuiles tout simplement. Je trouvais cela passionnant et je me suis aperçu que l’histoire des jardins de Paris, c’est en fait l’histoire de Paris.
Donc le square René Viviani c’est un jardin qui possède un arbre classé remarquable par la Mairie de Paris ?
Le vieux robinier ou accacia est le plus vieil arbre de Paris. Il a été planté au XVIIe siècle, c’est le doyen de tous les arbres et c’est un vieillard. Maintenant, il est maintenu par une poutrelle en béton mais je l’adore parce que c’est un arbre qui a presque 500 ans, en plein milieu de Paris et je trouve cela extraordinaire.
Est-ce que d’autres squares ont des arbres tel que celui du square René Viviani ?
Il y a le bois de Boulogne et le bois de Vincennes, par exemple. Il y a également le parc Monceau qui a des arbres absolument extraordinaires et entre-autres des platanes de grande dimension. Dans le parc des Buttes-Chaumont ont été plantés des platanes sous Napoléon III. Ce parc a une histoire terrible. Imaginez que dans cette partie de Paris il y a longtemps, c’était l’endroit où l’on pendait les condamnés à mort. L’endroit est vraiment maudit. Près de Paris, on mettait dans des carrières les animaux morts et les ordures de Paris, on s’y est battu avec les Prussiens, donc c’était un endroit de malédiction.
C’est Napoléon III qui a estimé qu’il était normal que les Français, les Parisiens entre autres puissent tous bénéficier d’espaces verts. Napoléon III s’était rendu compte que seuls les riches pouvaient profiter de la verdure et il a donc créé des jardins dans les pires endroits de la capitale, comme les Buttes-Chaumont, (5:23:02) très près de l’endroit où se trouvait le Gibet de Montfaucon, là où l’on pendait tous les bandits et les voyous. Sur la volonté de l’empereur Napoléon III, c’est devenu un jardin et j’aime cette idée qu’un homme comme Napoléon III ait pu transformer des endroits sordides en de beaux jardins. A cet endroit là poussent de très beaux arbres, des peupliers, des platanes absolument merveilleux et il n’est pas nécessaire d’avoir un vieux jardin avec de gros arbres pour que le jardin ait de la valeur. Le jardin des Marais, est un tout petit square que l’on ne voit pas de la route, c’est le square Anne Franck. Quand Anne Franck était cachée à Amsterdam, pour échapper aux Nazis, elle voyait de sa fenêtre un marronnier, c’était d’ailleurs le seul lien qu’elle avait entre elle et l’extérieur mais ce marronnier est mort il y a quelques années. Les jardiniers pour perpétuer l’image et le souvenir de cet arbre avaient récolté des marrons, et aujourd’hui le marronnier qui pousse dans le square Anne Franck est directement produit par un marron de l’arbre d’Amsterdam, il a donc une valeur très symbolique. Les nazis ont tué Anne Franck, mais de par cet arbre ils n’ont pas pu tuer son souvenir. J’aime cette idée de la transmission du souvenir par l’arbre, donc tous les squares ou presque, sont plantés d’arbres et tous les arbres ont des choses à nous raconter. Il y a la grande et la petite histoire et puis il y a l’ anecdote. Vous même par exemple de par votre métier vous savez peut-être ce qu’est un marronnier. Je ne sais pas si outre atlantique l’expression se dit, mais elle se dit en France. Pour des journalistes, le marronnier c’est un sujet qui revient tous les ans, par exemple : le départ en vacances le 1er juillet à la télévision c’est un marronnier. Je suis certain que chez vous, là cette année le matin de Noël le journaliste a commencé son journal avec l’ouverture des cadeaux au pied du sapin, c’est ce qu’on appelle un marronnier. Eh bien ce marronnier, le vrai, il a existé dans le jardin des Tuileries, c’est un marronnier sous lequel on a enterré des gardes Suisse morts lors de l’invasion des Tuileries sous Louis XVI et les soldats de l’Empereur ont souhaité ensuite, tous les ans à date fixe, célébrer la mémoire de leurs collègues morts au combat. Les journalistes de l’époque, qui ne savaient pas toujours de quoi parler, savaient qu’il y avait tous les ans à date fixe, une manifestation dans ce jardin. Le fameux marronnier est donc devenu une expression journalistique et c’est çe que j’ai voulu dire dans le livre. Derrière un arbre, il y a une histoire, une tradition, il est parfois le témoin des grands événements et aussi des événements personnels, il y a des enfants qui ont appris à marcher sous un tilleul, vous avez des gens qui se sont dit des « je t’aime » pour la première fois sous un arbre. Les arbres sont les témoins d’une vie complète, je voulais rendre hommage aux jardins et aux arbres.
Au jardin du Luxembourg, de nombreux enfants jouent auprès du point d’eau avec des petits bateaux, des amoureux s’y promènent ou sont assis sur un banc à l’ombre d’un arbre…
Imaginez, ces enfants qui ont joué au Luxembourg et qui reviennent 30 ou 40 ans plus tard, quand ils découvrent que le petit arbre sous lequel ils ont joué, est devenu un monstre, c’est merveilleux et c’est pour ça que les arbres sont des êtres précieux, c’est pour ça que je voulais en parler. En fait dans les grandes villes ce qui m’intéresse ce sont les jardins, par exemple les Champs-Elysée. Combien de parisiens savent que c’est André Le Nôtre qui a créé l’avenue des Champs-Elysées, donc c’était l’occasion également de rappeler aux Français, à mes concitoyens, un peu l’histoire de la France.
Vous évoquez aussi le jardin du musée Rodin qui a connu bien des vicissitudes… et qui a abrité de nombreux aristocrates et familles royales. La belle-fille du roi Louis XV, Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon, duchesse du Maine, devient propriétaire de l’ancienne demeure. Le jardin est alors profondément modifié et sera inspiré du modèle du Trianon de Versailles. Il deviendra l’hôtel du Maine puis l’hôtel de Biron (du Maréchal de Biron). Ce jardin a fait l’admiration de tous. Expliquez-nous brièvement comment cette demeure est devenue l’une des merveilles de Paris à l’époque ?
Je n’ai plus en tête le nom de la personne qui va reprendre le jardin et l’embellir, et comme vous l’avez dit très justement, la famille de Louis XV s’est portée acquéreur de ce lieu vraiment merveilleux et puis ensuite c’est un petit peu la déchéance. L ‘hôtel de Biron, c’est ainsi qu’il s’appelle à l’origine, va être racheté et le bassin fermé définitivement par des Soeurs qui n’auront pas les moyens à la révolution française d’entretenir le jardin. Elles commencent à reboucher les bassins et vont commencer à construire des habitations au goût douteux, tant et si bien que le jardin devient franchement abandonné jusqu’au jour où Rodin, le grand Rodin (à l’époque c’est une personnalité incroyable), découvre ce lieu laissé à l’abandon. Il y a des ronces, des arbres fruitiers, des quantités de lapins. Il va s’installer à l’hôtel de Biron, et va y travailler. En fait ce n’est pas son atelier, c’est son endroit de démonstration, c’est son bureau en quelque sorte, et lorsqu’il va mourir il fera don de toute sa collection à l’Hôtel de Biron, donc à la France, qui naturellement va devenir le musée Rodin. Ce qui m’amuse beaucoup avec le musée Rodin, c’est d’imaginer les débats sur la restauration d’untel jardin, un peu comme à Versailles, quand on restaure une partie du parc, dans quelle époque doit-on le reconstruire? : Louis XIV, Louis XV ou Louis XVI et pourquoi pas Napoléon. Eh bien pour le musée Rodin je me plais à dire que ce serait amusant si on devait le restaurer, qu’on le remette dans le même état que Rodin lui-même l’a découvert. On arrête de tout entretenir, on y met des lapins et la restauration actuelle, ce serait la restauration la plus rapide et la moins coûteuse au monde. Il est vrai que ce jardin aujourd’hui à retrouvé son éclat et sa beauté. Quand vous découvrez l’hôtel de Biron, vous êtes séduit par le « penseur de Rodin » ensuite ‘La porte de l’Enfer » et « Les Bourgeois de Calais ». C’est un endroit que j’aime beaucoup et l’âme des précédents propriétaires a été conservée. Voilà l’histoire d’un jardin qui fut le plus beau jardin de France à l’époque, même le jardin du Trianon était considéré comme de qualité moindre à celui-ci.
Votre récit décrit aussi bien l’histoire des jardins les plus fréquentés que les jardins un peu moins connus et moins glorieux, ignorés des Français. Il existe également des jardins interdits au public, comme le parc de l’Hôtel de Matignon qui s’étend sur « trois hectares » et qui peut être visité seulement lors de rares occasions. Ces parcs peuvent y accueillir des trésors comme le plus gros platane que possède L’Elysée sur sa pelouse.
Est-ce vrai que l’on a juste une fois par an le droit de visiter ce jardin ? Un petit mot à ce sujet.
C’est vrai, à moins d’être l’ami du Président de la République mais je n’ai pas parlé des jardins que l’on ne visitait jamais comme le jardin de l’Elysée ou le jardin de l’Hôtel Matignon qui peuvent éventuellement être visités sous certaines conditions. Quand on voit le platane auquel vous faites allusion, c’est comme un jardin qui a toute la République en souvenir, ce jardin a tout connu, il a même connu cet ancien Président de la République dont j’ai oublié le nom qui était un peu fou. Ces arbres là ont été les témoins de quantité d’événements absolument incroyables, le platane de l’Elysée est un platane qui est peut-être trop jeune pour avoir connu par exemple l’une des ses premières propriétaires, la Marquise de Pompadour mais cet arbre a peut-être connu Napoléon quand il s’y est installé et puis il a vu quantité d’événements. Pour revenir sur le Président un peu fou, c’est Paul Deschanel qui se prenait pour un corbeau, il avait grimpé dans ses branches, c’est quand-même relativement fou. Les jardins de l’Elysée sont des jardins qui sont très très beaux et il y a ce platane qui est magnifique et qui est en fait témoin de l’histoire de France.
On parle aussi plus loin dans votre livre des « jardins résistants », Martin Luther King a son jardin parisien. Je relève ceci, vous regrettez que nulle part il soit possible de lire : « nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots. » Votre engagement citoyen et politique s’invite donc désormais dans votre livre ?
Non, ce que voulait rappeler c’est que les jardins sont des lieux d’union, des jardins de communion, quand vous parlez du jardin Martin Luther King, effectivement il est bon de rappeler que cet homme a défendu quantité de valeurs et je pense qu’effectivement on vit une époque terrible aujourd’hui, je pense que le racisme, l’antisémitisme, la bêtise humaine est en train de progresser à grands pas et j’en suis même convaincu. Je pense que de temps en temps on devrait se souvenir que des hommes comme Martin Luther King ont fait des choses merveilleuses. On leur attribue des jardins magnifiques mais j’aurais aimé lorsque l’on rentre dans le jardin Martin Luther King que l’on puisse au moins trouver quelques unes de ses grandes phrases et ce n’est pas le cas, je trouve ça un peu dommage.
Lorsque vous citez le jardin Federica Montseny (ex jardin de la place Louis Armstrong), vous dites qu’il est rare que les édiles parisiens célèbrent un artiste étranger, mais celui-là honore une féministe espagnole qui a milité pour le droit à l’avortement. Ensuite, il y a Tolstoï par exemple qui, lui aussi, a légué son nom à un jardin et comme chacun sait, c’était un pacifiste et il appréciait la gent féminine. Dans votre livre, vous dites que de nombreux jardins ont été construits pour des femmes mais que ceux portant un nom féminin sont très peu nombreux. Avec la mention « femmes » et « jardin féministe, » vous allez toucher un lectorat féminin…
Et oui c’est très très rare en fait et vous parlez également des personnalités étrangères. Je constate qu’en France et à l’étranger aussi, nous sommes toujours très moralisateur et qu’en fait on aime bien faire des déclarations d’intention et les oublier dès le lendemain. Je trouve ça un petit peu navrant que se soit les femmes les premières oubliées quand il s’agit de nom de rue ou de jardin. Il y a également très peu de jardins qui ont des noms d’étrangers. Alors autant vous dire qu’un jardin contenant le nom d’une femme étrangère de surcroit, ce n’est pas évident et ce livre était l’occasion peut être de rappeler qu’effectivement, des femmes ou des étrangers ont contribué à faire de la France le pays qu’il est aujourd’hui.
Rendre hommage aux femmes, rendre hommage à certaines personnalité…
Moi, je dirais pas seulement aux femmes, mais à l’humanité. C’était Aragon qui disait que la femme est l’avenir de l’homme et j’ai toujours pensé aussi que lorsque l’on donne le nom d’une rue à un homme, il s’agit souvent d’un militaire et quand on donne le nom d’un jardin à une femme ou à une rue c’est toujours pour saluer un grand geste humain. Les femmes ont cet avantage effectivement d’avoir apporté dans le domaine des sciences et de la culture, des choses exceptionnelles et elles ne sont pas remerciées comme elles devraient l’être aujourd’hui.
Cette femme, Federica Montseny, a été honorée c’est vrai comme une féministe espagnole qui avait milité pour le droit à l’avortement dans certains pays et notamment aux Etats Unis, c’est encore une grande discussion.
Même en Europe, en Hongrie, il y a des choses qui sont en train de changer, mais effectivement, il faut quand même savoir que les femmes auxquelles vous faites allusion, sont des femmes qui ont pris fait et cause pour certains combats. Il y a une trentaine d’années, 40 ans, voire plus, il n’était pas du tout, du tout facile de se distinguer et de protester comme elles le faisaient. Ces femmes courageuses ont manifesté leur opposition à certaines règles au péril de leur vie. Il faut savoir qu’à cette époque (et encore aujourd’hui) il valait mieux être un homme pour être entendu. Ces femmes étaient des pionnières, elles se sont battues pour les droits de la femme.
Pourquoi avoir choisi le Square Sarah Bernhardt en particulier ?
Parce que j’adore cette femme, parce que Sarah Bernhardt est certainement la seule actrice dont le nom ait traversé le temps. Déjà j’ai appris qu’aujourd’hui quand une femme a fait du théâtre ou de la danse, elle pouvait se faire appeler mademoiselle, donc les grandes actrices pouvaient continuer à se faire appeler « Mademoiselle ». En fait Sarah Bernhardt n’était pas mariée et on l’appelait mademoiselle et à l’époque il aurait été indécent que quelqu’un à côté de Sarah Bernhardt ose se faire appeler madame. Elle avait également une fortune qu’elle dépensait bizarrement, elle a par exemple élevé un crocodile dans une baignoire, chez elle en plein Paris, ce n’est quand même pas commun. C’est aussi une femme qui a eu le courage d’aller en 14-18 sur les tranchées pour encourager les soldats, malgré qu’elle soit amputée d’une jambe (après une opération du genou), j’ai trouvé ça extrêmement courageux. Sarah Bernhardt était d’une beauté exceptionnelle comme on peut le voir sur de nombreuses photos. C’est une femme qui a connu une gloire posthume et je trouve qu’elle méritait vraiment d’être dans ce livre, parce que c’est une femme qui a interprété des rôles incroyables et qui a fait des choses merveilleuses. Elle fait partie de ces femmes qui effectivement ont pris fait et cause pour ce qu’elles faisaient et Sarah Bernhardt a redonné ses lettres de noblesse au théâtre. Avant même qu’elle ne devienne l’immense tragédienne qu’elle était, le métier d’actrice n’était pas très réputé.
Dés le préambule, vous situez l’action dans les jardins de Paris « qui ont vu passer de nombreux artistes…, » « il faut s’y asseoir un instant pour mieux s’imprégner et profiter de l’endroit. » Vous évoquez ensuite qu’il faut « profiter » de « la musique des jardins » comme vous aimez le dire. Pourquoi cela a été important pour vous de commencer votre ouvrage par les jardins dédiés aux chanteurs et aux acteurs ?
Parce que je crois qu’aujourd’hui les artistes n’ont pas la place qu’ils devraient avoir dans notre société. Quand vous prenez le nom des rues à Paris, beaucoup sont dédiés a des militaires. Je trouve insupportable que l’on ait donné des noms de boulevard à des gens qui ont passé leur temps à tuer les autres (alors là je tombe de l’armoire !!!) alors que lorsque l’on donne le nom d’un acteur ou d’un chanteur on s’oriente vers un message de paix, c’est un message qui est réconfortant et donc je voulais vraiment parler de ceux qui ont enchanté ma vie. Si je vous demande aujourd’hui quels étaient les grands médecins du XVIIe siècle, vous allez hésiter avant de me donner des noms, si je vous demande de me donner le nom de quelques stratèges politiques vous allez hésiter mais si je vous demande le nom d’un comédien du XVIIe, immédiatement vous dite Molière. Ce que je veux dire c’est que l’on se souvient des grands noms de la littérature, des grands noms du théâtre, mais on ne se souvient pas forcément des grands noms de ceux qui ont dirigé notre Pays. Et puis comme je voulais commencer par les chanteurs, c’était un petit peu en souvenir de ma grand mère maternelle. J’avais une mémé, qui est morte maintenant, qui adorait Tino Rossi, j’en parle d’ailleurs, il y a le jardin « Tino Rossi, » et il est toujours le chanteur le plus vendu au monde, c’est à dire qu’il est avec les Beatles, Abba, Michael Jackson et Elvis Presley l’un des cinq plus gros vendeurs de disques au monde de tous les temps et ma grand mère quand on parlait de Tino Rossi, elle avait immédiatement les yeux qui pétillaient. Qui se souvient aujourd’hui de Tino Rossi, certains se rappellent que c’est lui qui chantait « petit papa Noël », mais à part ça son nom est en train de disparaître et quand on donne le nom d’un jardin à une personnalité, ça permet à ce nom de traverser le siècle et de continuer à vivre. Je pense qu’un militaire fait son métier, je pense qu’un chanteur c’est plutôt une passion, c’est un sacerdoce, c’est une envie et si on aime le chanteur on s’en souvient, si on ne l’aime pas on passe à autre chose, personne ne vous oblige à aimer un chanteur, en revanche on vous oblige à respecter un militaire. Moi je ferais passer une loi qui obligerait à ne donner aucun nom de rue aux politiques ni aux militaires mais uniquement aux humanistes.
Parmi les espaces verts que vous citez dans votre ouvrage, quels sont ceux qui occupent une place privilégiée dans votre cœur ? Quels sont les endroits qui méritent d’être visités d’après vous ?
C’est une question qui est très difficile parce qu’un jardin est fonction de votre état d’esprit du jour, c’est à dire que vous avez des jardins que vous trouvez très beau quand vous êtes seul ou que vous êtes un peu dans la peine, certains jardins vous les préférez quand vous êtes accompagné, avec du monde, avec des amis et puis tout dépend ce que vous allez faire dans un jardin, y allez-vous pour écouter le chant des oiseaux, pour lire, pour courir, y allez-vous pour réfléchir, pour respirer, voyez tout dépend. Quand je parle du jardin de la maison de Balsac par exemple, j’aime bien l’idée de penser qu’il y a l’ombre de Balzac dans ce jardin. Il est là, vous le sentez et c’est une manière pour vous de vous réconforter, quelque chose d’assez agréable. Un jardin que j’aime beaucoup par exemple, c’est le jardin du musée de la vie romantique prêt de Pigalle, c’est un petit jardin qui est merveilleux, petit, mais qui est très agréable, vous avez des squares ou des jardins qui méritent vraiment que l’on s’y attarde, comme le square Viviani. Un jardin dont on ne parle jamais, c’est le jardin Nicole-de-Hauteclocque, c’est le plus petit de Paris, il n’y a pas un seul arbre mais il est dans un endroit improbable, en plein coeur de Paris, dans une petite ruelle où l’on ne peut même pas se croiser. Nicole-de-Hauteclocque qui fut une femme politique française aimait les jardins et quand elle est morte cet endroit, a été transformé en un tout petit square. Je trouve çelà drôle et amusant, j’aime bien ce petit jardin parce que ce n’est pas vraiment un jardin c’est un petit clin d’oeil. Vous avez aussi le jardin des serres d’Auteuil et le jardin du Palais Royal. Nous n’avons pas parlé du jardin des plantes, c’est un jardin extraordinaire, il a une histoire absolument fabuleuse. Il y a les jardin des îles. Je parle beaucoup des jardins des îles, île de la cité à Notre-Dame. Ce sont des endroits qui sont merveilleux, parce qu’on a une vue hors du commun sur Paris et sur la Seine, et il n’y a pas plus beau que ce jardin quand on est mal et qu’on a l’âme un peu romantique. Si vous avez la nostalgie de Louis XVI, le square Louis XVI qui était un cimetière est devenu un lieu de recueillement. Ce n’est pas mon jardin préféré mais chaque jardin influe sur moi en fonction de mon état d’esprit.
Quel est l’intérêt principal du square des poètes avec cette centaine de plaques gravées de la prose d’auteurs plus ou moins connus et placées le long des allées. Vous nous donnez plusieurs extraits de poèmes ? Cet endroit, par exemple, est un enchantement pour les amoureux de poésies et de littératures
J’aime beaucoup ce jardin parce qu’il est dans un endroit épouvantable. Il est coincé juste à côté du boulevard périphérique, non loin d’une grande avenue où il y a un trafic énorme et donc ce jardin est toujours dans le bruit. Mais il y a effectivement dans ce jardin des plaques qui vous permettent de lire des poèmes d’où le nom « jardin des poètes ». J’ai trouvé l’idée amusante, mais honnêtement ce n’est pas un endroit plaisant pour venir se promener, il est vraiment trop bruyant. Oui c’est vrai on peut s’attarder à lire certains extraits de poèmes de personnes plus ou moins connues, il y a quelques statues et bustes de poètes, c’est un jardin étonnant, situé à côté du square des serres d’Auteuil. Certaines plaques sont un peu recouvertes de lierre mais il y a des phrases merveilleuses que l’on arrive encore à déchiffrer.
Je pense que ce square est intéressant pour les touristes qui se passionnent pour la poésie c’est un endroit à découvrir.
Complètement parce que c’est l’occasion de découvrir un jardin d’une façon différente. D’habitude, un jardin on va d’arbre en arbre, de jeu d’enfant en jeu d’enfant et là on va de poème en poème, c’est ce qui fait son charme, mais ce n’est pas, et loin de là, le plus beau des jardins.
D’après vous, comment distinguer parcs, jardins et squares ?
J’ai tenté de l’expliquer dans le livre en rappelant les différences. En fait un parc est un grand jardin planté d’essences forestières, voilà c’est un petit peu la subtilité. Un jardin, ce sont des arbres d’ornement et dans le parc il y a des espaces plantés d’essences forestières même si c’ est sujet à caution. Finalement, il n’existe pas de différence ou presque entre un jardin et un square, sauf qu’un square est un jardin public,, il n’existe pas de square privé, le square appartient à la ville.
C’est intéressant, donc un square se trouvera plutôt dans un musée par exemple…
Pas forcément, dans un musée ça peut être un jardin, parce que le musée n’appartient que rarement à la ville, le square généralement est au milieu d’un carrefour, il est entouré de clôtures et il a pour objectif de permettre aux enfants de se détendre mais c’est un jardin qui appartient à la ville.
Alors au Musée de la Mode Galliera, est ce que l’on pourrait dire que c’est un square ou un jardin ?
C’est un jardin, parce que dés que le terrain accompagne un bâtiment, il devient jardin. Par exemple vous avez une construction au Petit Palais autour duquel fut aménagé un jardin et à l’origine le lieu était privé or je vous rappelle qu’on garde toujours l’appellation d’origine, exemple les jardins du Palais de Tokyo. J’explique pourquoi on l’appelle le Palais de Tokyo, c’est parce qu’ en fait il a été construit sur le quai de Tokyo en 1918, ce quai qui borde la Seine s’appelle ainsi car les français veulent remercier les japonais de les avoir aidé à lutter contre les allemands. En 1940 c’est l’inverse les japonais n’ont pas été du côté des français, ils ont été du côté des allemands, on ne peut plus remercier une population qui en quelque sorte nous atrahi, on va donc remercier les Etats-Unis d’où le nom « Quai des Etats-Unis, » mais le palais de Tokyo a été construit sur ce qui s’appelait Quai de Tokyo et il gardera donc définitivement son nom.
C’était vraiment intéressant de découvrir tous ces jardins et je me suis posé la question mais pour quelle audience est-ce que vous avez écrit ce livre ? Quel public aimeriez-vous toucher ?
En fait pour les gens qui fréquentent les jardins et qui ont envie d’en savoir davantage à ce sujet, pour les parisiens qui ignorent à quel point la ville de Paris est riche en jardins et combien il peut y en avoir, pour les amoureux des arbres qui vont découvrir peut-être grâce à moi la présence de quantités de végétaux merveilleux dans la capitale, pour tous les amoureux de la nature et puis pour bien rappeler que le monde du jardin est grand et que pour le jardinier que je suis, il n’y a pas que Versailles, d’autres jardins existent aussi.
Très bien, il y a aussi tous nos lecteurs et ceux qui vont découvrir l’article sur « Mes Jardins de Paris », des touristes qui sont férus d’histoire et qui ne connaissent pas bien Paris et qui veulent aussi découvrir les jardins, Paris et son histoire, tous ses secrets parce qu’en fait ce sont des anecdotes historiques et des secrets que vous nous révélez sur les poumons de Paris. Et maintenant que vous avez écrit ce livre que ressentez vous ?
De la satisfaction d’avoir écrit un grand « bouquin » et puis le plaisir du travail accompli. Ecrire un livre est toujours compliqué, c’est toujours angoissant et je suis content finalement d’être arrivé au terme de ce que je voulais, en essayant d’avoir fait un livre agréable à lire et qui ne soit pas répétitif parce qu’écrire un livre sur les jardins sans se répéter, ce n’est pas aussi simple et donc je suis assez content d’avoir pu ainsi parler dans un même ouvrage de Lamartine, de Tolstoï, de Brassens et de bien d’autres personnes encore et d’avoir rappelé que finalement, on avait besoin des jardins pour être heureux.
Combien de temps pour l’écriture de votre livre ?
J’avais commencé il y a trois ans.
Le mieux c’est d’aller découvrir les jardins et d’aller voir, ressentir et sentir la nature, écouter les oiseaux et puis tous les bruits, tout ce entoure les jardins. Je vous remercie d’avoir eu la gentillesse de répondre à mes questions.
Cet article a été traduit en anglais par Marie Pireddu